Entre objets, textes et peintures, mon travail lors de cette exposition présente un regard interrogateur sur la Mémoire collective et la transmission sous le prisme de différents éléments qui s’appuient sur des images figées de l’Histoire en lien avec l’Afrique et l’Occident.
A travers ces créations, j’ai voulu proposer au public deux lignes parallèles : entendre la poésie des Hommes et dans le même temps, regarder l’Histoire qui appartient à un pour tous ou à tous pour un.
Existe-t-il une manière douce d’aborder ces questions qui nous poussent parfois à rester dans l’ignorance ou à détourner le regard ?
Mon propos s’est appuyé là-dessus : Fertile est ce qui appartient à l’Homme, son Histoire est ce qui le façonne et sa vie peut se construire en fonction de ce qu’il fera de ce qu’ « on » lui a légué : parfois avec joie, douceur et amour ; parfois avec tristesse, colère et rejet. Le péril pour tous serait que cette construction se fasse dans le déni ou sans acceptation.
Cette question est alors posée : Qui porte la responsabilité de la Mémoire collective ?
- Un peu comme dans un musée — , le visiteur arrivait devant l’alcôve et se retrouvait face à 4 kakémonos : deux d’entre eux parlaient de mon travail artistique et du sens que je lui donne ; deux autres, proches du fond de l’espace faisaient part d’une histoire figée. Pas de dates, rien qu’un instant et quelque chose qui pourrait faire trace d’un soi.
Au centre de l’alcôve, une table. Des objets qui ont traversé le temps.
Des questions.
Quelle est l’Histoire de chacun de ces objets ?
Qu’ont-ils à nous apprendre ?
Quelle histoire s’est définie dans notre mémoire pour eux ?
La transmission est un passage nécessaire pour notre héritage. Nous connaissons souvent l’Histoire mal, de manière biaisée ou très peu. Les objets sont généralement présentés en musée, un peu comme pour faire trace. Nous lisons les textes qui y sont accolés, sans toucher réellement à l’âme de ces accessoires de l’Histoire.
Que sont une vieille arme, un peigne, un casque et une couronne sans leur Histoire ?
Ils proviennent d’une malle dont a hérité une amie de son grand-père.
Ce dernier avait gardé ces objets qu’il trouvait précieux. Et son âme d’enfant pouvait de temps en temps ouvrir la boite aux trésors et contempler ses merveilles : une arme de tirailleur sénégalais — un fusil double de marine, modèle 1861 ; longueur sans baïonnette : 1,130m ; poids : 4,180 kg — ; un peigne totem appartenant à une ethnie inconnue ; un casque colonial – et ses marques de transpiration d’un homme — ; une couronne de cauris – appartenant souvent à une reine qu’il fallait décapiter pour récupérer ce symbole de sa royauté -.
L’arme ne dit rien et ne nous apprend rien de l’homme qui l’a porter.
Qui a prié devant ce peigne et y a laissé ses espoirs ?
Le casque est son propre témoignage.
Et la couronne est petite et lourde pour une petite tête qui a du porter le poids de responsabilités qu’elle ne pouvaient supporter.
Au mur de l’alcôve, des peintures sur toiles, du sable, de la boue, de l’argile, des mots en français, des mots en Bambara (Mali) et des mots en Mabi (Cameroun). Et devrais-je écrire des maux ?
Et des cheveux.
Clin d’oeil à ses femmes dans les plantations d’esclaves qui se faisaient des nattes représentant des chemins pour indiquer à d’autres comment s’enfuir.
Comment imaginer que ces tresses furent un jour un labyrinthe d’espoir pour des Hommes ?
Des questions.
Encore des questions.
A coté de ces tresses, une toile avec une peinture orange, rouille.
Certains m’ont dit :
- la Shoah ?
- L’enfermement ?
J’illustrais l’esclavage. Mais rien d’étonnant à ce que des échos se fassent. Il n’y a rien de semblable aux souffrances des Hommes. Et en même temps, rien de différent. Des visages creux dans l’ombre ne peuvent que nous évoquer les ténèbres intérieur d’un Autre.
Dans l’alcôve au fond à droite : du collage, une unique toile, longue avec un texte en allemand. Cassure et rupture sur le tableau que je présente au visiteur. Il s’agit d’un document de 1893 traitant de la période coloniale allemande au « Kamerun ». Le texte est issu d’un livre de recherches autour des questions coloniales. Lucie Regard, professeure d’allemand m’a aidé à le traduire.
Et le silence s’est imposé à chacune d’entre nous en travaillant autour de ce texte.
Silence.
Silence pour nos frères.
Mon propos se termine par la question de départ dans un miroir. L’on peut s’y voir. L’on peut voir les personnes autour de soi. Mais on pourrait aussi ne rien voir.
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